Intervention d’Yves d’Amécourt au nom du Groupe Gironde Avenir sur le Budget Supplémentaire 2013

Yves d'AmecourtMonsieur le Président,
Mes chers collègues,

Avant de parler de notre budget supplémentaire, je souhaite, au nom du groupe «Gironde Avenir » dire la tristesse qui est la nôtre, à la nouvelle du décès du Président Pierre Barrau.

Je dis ici « Le Président Pierre Barrau », car Pierre Barrau étant notre doyen d’âge, et à ce titre, il présidait notre assemblée, tous les 3 ans. Et tous les 3 ans c’était un grand moment…

Pierre Barrau s’exprimait le plus souvent, en anciens francs. Ainsi 15000 € devenaient 10 millions ! Même les plus petites dépenses prenaient une dimension toute particulière… Quant au budget du Conseil Général, il se comptait en milliards.

Pierre Barrau était issu d’une famille de minotiers et de meuniers et il avait le bon sens que lui avait donné cette filiation.

Il dénonçait souvent ici les agressions au « bon sens » et au « sens commun ».

Mémoire de notre hémicycle, Pierre Barrau était un grand connaisseur de la 3ème et de la 4ème République. Il était à ce titre un grand admirateur des 80 parlementaires qui ont dit non le 10 juillet 1940 aux « pleins pouvoirs au Maréchal Pétain », quand d’autres, comme le Maire de Bordeaux Adrien Marquet appelait à voter « oui ».

Il vous remerciait tous les 3 ans, Monsieur le Président, lorsqu’il présidait cette assemblée, d’avoir donné à cet hémicycle le nom des 5 parlementaires Girondins qui ont dit « non ».

Pierre Barrau était un homme attachant et respectueux de la diversité car il savait que lorsque la France est en danger, l’union nationale est possible. Il savait que lorsque la France est en danger, les frontières des partis politiques peuvent tomber et les hommes se retrouver, pour peu qu’ils se respectent.

Le groupe Gironde Avenir s’associe aux condoléances que vous avez formulées ce matin, Monsieur le Président.

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Avant d’évoquer le contenu de ce budget supplémentaire, je crois qu’il faut replacer ce rendez-vous budgétaire dans le contexte national d’aujourd’hui.

Nous sommes à un moment clé pour l’avenir de nos départements français.

François Hollande a fait table rase de la réforme de son prédécesseur et s’est lancé sur une nouvelle voie avec comme postulat, la promesse faite le 22 octobre 2012, d’un financement pérenne par l’Etat des trois allocations individuelles de solidarités (APA, RSA, PCH).

Nous avons souvent débattu ici de la problématique du financement de ces dépenses sociales contraintes. En Gironde, le Conseil Général a longtemps pu y faire face grâce à la très bonne tenue des droits de mutation.

La Gironde est, de ce point de vue, une exception.

Aujourd’hui, nous arrivons au bout de ce système et on le voit bien lors de ce budget supplémentaire où nous programmons une diminution de 20 M€ des « droits de mutation » et dans le même temps une augmentation des allocations individuelles de solidarité, de plus de 10 M€.

Cette augmentation est principalement due à l’augmentation du RSA. Cette augmentation est directement liée à l’augmentation du chômage que le gouvernement n’arrive pas à endiguer… Le Président ne promet d’ailleurs pas de réduire le chômage mais d’inverser la courbe de sa progression à partir du mois de septembre !

On y est presque puisqu’au mois de mai, le chômage est constant… Tout cela cache en fait une radiation sans précédent des chômeurs de longue durée et par voie de conséquence une augmentation des dépenses de RSA !

Le RSA est à la charge des départements, tout comme l’APA et la PCH… L’ensemble des ces allocations augmente.

Par force, cet effet ciseaux doit, au niveau local, obliger notre collectivité à une gestion plus rigoureuse et à un allégement de ses coûts de fonctionnement internes.

Au niveau national, il faut aller plus loin et réformer en profondeur le système de financement des dépenses sociales.

Actuellement, l’ADF et son Président Claudy Lebreton ainsi que plusieurs Présidents de Conseils Généraux, tel que Michel Dinet, travaillent et négocient avec le Gouvernement pour obtenir une solution viable.

Au groupe Gironde Avenir, nous avons depuis longtemps dénoncé la décentralisation mal financée de l’APA par le Gouvernement Jospin.

Par ailleurs, ils nous a toujours semblé curieux que les décideurs ne soient pas les payeurs…cela est une source de dérapage et d’irresponsabilité.

C’est pour ces raisons, que nous soutenons les grandes lignes de la proposition de déclaration solennelle des Départements de France réalisée par Michel Dinet et qui a été proposée lors de l’Assemblée Générale de l’ADF le 17 juin dernier.

La proposition est la suivante :

  • La compensation par l’Etat des 4,8 Mds € que les ministères ont validé comme décalage (fourchette basse).
  • L’exigence, au-delà des 1,8 Mds € permettant la couverture intégrale du RSA, d’aboutir au final à une compensation globale de 50% du décalage pour les 3 allocations, soit 2,4 Mds €.
  • Enfin la possibilité, pour régler le financement du RSA, d’une reprise intégrale du financement par l’Etat directement aux Caisses d’Allocations Familiales.

Les négociations avec le Gouvernement doivent se poursuivre jusqu’à la mi-juillet. Ce sera donc l’heure de vérité avec la confrontation entre les promesses du nouveau Président de la République et la dure réalité.

Mais la réalité, comme l’a souligné Gilles Carrez, Président de la Commission des Finances à l’Assemblée, c’est qu’on ne voit pas bien comment l’Etat pourrait compenser mieux, alors que son propre déficit dérape : 20 milliards d’€ selon Gilles Carrez, 6 à 7 Milliards selon le rapporteur de la loi de Finances…

Gilles Carrez de préciser : «l’actuel gouvernement n’a annoncé aucune mesure d’économie, mise à part la baisse des transferts aux collectivités locales».

Michel Dinet, Président PS du Conseil Général de Meurthe et Moselle, va plus loin, je cite : « si l’issue des discussions avec le gouvernement venait à être insatisfaisante et non viable pour les Conseils Généraux, nous sommes partisans d’opter pour les préconisations de la déclaration solennelle qui consisterait à cesser de verser le RSA une fois les compensations consommées. »

Voilà, chers collègues, pour les éléments de contexte. Revenons si vous le voulez bien à la Gironde.

Ce budget supplémentaire intègre, comme c’est l’usage, la reprise des résultats de l’année précédente. C’est un résultat record qui est ainsi intégré, avec pour l’année 2012, un excédent de 32,3 M€.

Un résultat en hausse par rapport à 2011 (29 M€) et 2010 (20,4 M€).

Traditionnellement, comme vous l’avez dit ce matin, Monsieur le Président, un budget supplémentaire sert à réaliser quelques ajustements et à donner plus de précisions sur certaines dépenses ou recettes.

Mais cette année, tel n’est pas le cas. Le budget supplémentaire fait l’objet d’impressionnants ajustements tant en recettes qu’en dépenses et sur des montants parfois très significatifs !

Alors que la Gironde subit aujourd’hui un important effet ciseaux sur ses finances (en particulier avec la hausse des dépenses du RSA et la baisse des DMTO), le Budget Supplémentaire fait apparaître aussi des ajustements financiers très surprenants qui font perdurer malgré tout, un « micro-climat » financier particulièrement clément pour la Gironde.

Ce phénomène se traduit, entre autres, par des capacités d’autofinancement maintenues entre BP et BS (81 M€).

Des circonstances favorables qui sont « imprévisibles », comme vous l’avez écrit dans votre rapport, Monsieur le Président…

Le Conseil Général de la Gironde serait tel le « bateau ivre » d’Arthur Rimbaud, livré aux caprices du fleuve, que sont les financements de l’Etat.

Si l’on y regarde de près, en fin d’année on s’inquiète… en mars on augmente les impôts, en juin les mauvaises nouvelles arrivent et des bonnes nouvelles aussi qui compensent les mauvaises.

Parlons chiffres maitenant :

– Les dépenses de fonctionnement sont globalement en hausse de 1,45% par rapport au Budget Primitif et 4,8% par rapport au Compte Administratif 2012. Cela représente 18,4 M€ supplémentaires programmés en dépenses depuis le BP. Cela s’explique en partie par les engagements non réalisés en 2012 qui font l’objet de reports sur 2013 à hauteur de 11,9 M€ en fonctionnement. – L’augmentation des dépenses sociales contraintes se poursuit qui, lors de ce BS, se caractérise surtout par l’explosion du RSA avec + 9,1 M€ de dépenses (+4,8%) par rapport au BP. – Dans notre budget supplémentaire, il faut aussi remarquer l’inscription de dépenses nouvelles, pour presque 4 M€ en gestion courante au titre des places en établissement sociaux (Personnes Handicapées et Personnes Agées). Dépenses connues depuis longtemps puisque « oubliées » lors du BP. Cette information a été confirmée par une note interne le 29 mars dernier. Le même jour, l’Assemblée plénière, maintenue dans l’ignorance, votait les taux d’imposition pour 2013 !

Je poursuis …

Si les dépenses de fonctionnement augmentent globalement lors de ce budget supplémentaire, il y a tout de même des réductions de dépenses par rapport à l’estimation du BP qui atténuent l’impact de l’explosion des dépenses de RSA.

Ces réductions de dépenses ne sont pas le résultat d’une politique de réduction des coûts ou de maîtrise des dépenses.

En effet, si les dépenses de personnel baissent légèrement entre BS et BP (-0,4%) cela ne se vérifie pas par rapport au Compte Administratif 2012 (+2,5%). Il faudra donc attendre le CA 2013 pour avoir une donnée fiable.

Concernant les dépenses à caractère général, elles ne montrent pas de baisse et continuent à augmenter.

En réalité, les principales réductions de dépenses depuis le BP sont issues d’une baisse de la prévision de péréquation sur la DMTO (-3,9 M€) alors que les recettes du fonds de péréquation ne baissent « que » de 1 M€) et d’une baisse de l’estimation des frais financiers (-2 M€).

Deux événements indépendants de votre volonté politique.

Les recettes de fonctionnement, quant à elles, progressent de 5,3 M€ entre le Budget Supplémentaire et le Budget Primitif, si cela reste faible (+0,4%), c’est assez inespéré au regard de la conjoncture actuelle des droits de mutation (DMTO), l’une des recettes les plus importantes du Conseil Général.

En effet, depuis le Budget Primitif de décembre dernier, la conjoncture immobilière s’est fortement dégradée et la Gironde connaît un coup d’arrêt dans les transactions. Cela se traduit par une baisse de l’estimation des recettes issues des DMTO pour -20 M€ !

Notez bien que si pendant de longues années nous trouvions que vous sous-estimiez ces recettes, en décembre 2012, nous vous trouvions un peu trop optimistes.

Malgré cette baisse très importante, d’autres postes de recettes augmentent par rapport au BP :

Ainsi, les contributions directes sont en hausse de 6,8 M€, principalement grâce à la sous-estimation des recettes de Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (+7,37 M€).

Au niveau des dotations et compensations de l’Etat, là aussi, nous découvrons plusieurs sous-estimations de recettes et cela malgré un contexte de gel des dotations. Sous l’effet, en particulier de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), ce BS augmente ses recettes au total de 6,4 M€.

Les recettes issues du secteur social sont également concernées par des abondements importants lors de ce Budget Supplémentaire, à hauteur de 6,39 M€. Conséquence directe des participations encaissées au titre de l’aide sociale à l’hébergement qui ont été sous-estimées de 6 M€ au Budget Primitif.

Enfin, des recettes diverses voient leur estimation augmenter lors de ce BS, telles que : des participations concernant les transports, des remboursements exceptionnels de la Communauté d’Agglomération du Libournais, des versements de l’Europe, des participations au titre de la ressource en eau…Au global, c’est 4,5 M€ supplémentaires en recettes diverses qui sont inscrites à ce Budget Supplémentaire.

Lors de ce Budget Supplémentaire, alors que la chute des droits de mutation aurait du fortement grever les recettes de fonctionnement, cela est intégralement compensé et même surpassé par un ensemble de recettes curieusement et providentiellement sous-estimées : ces aides « imprévisibles » dont vous parlez dans votre rapport, Monsieur le Président.

Contre toute attente, la capacité d’autofinancement du Budget Primitif (81 M€) est ainsi maintenue lors de ce Budget Supplémentaire.

Cela est possible grâce à l’impact du résultat de l’exercice 2012 (+32,25 M€) qui compense largement la faible dégradation du solde de la section de fonctionnement et les reports de l’exercice précédent. Il reste même encore 20,2 M€ à utiliser pour la section d’investissement.

La politique d’investissement programmée lors du Budget Primitif est donc maintenue et légèrement augmentée de 3,6 M€, principalement issue des opérations TDENS.

Au global, la section de fonctionnement fait apparaître un besoin de financement de 4,4 M€ lors de ce BS. C’est donc totalement financé par les 20,2 M€ issus des résultats de l’exercice 2012.

Reste donc 15,8 M€ pour cette année 2013 qui aura pu éviter à la majorité de voter un taux d’imposition de 2% (soit 5 M€ de recettes).

Cette somme, vous ne la réinvestissez pas, Monsieur le Président. Elle vient réduire d’autant le programme d’emprunt inscrit au Budget Primitif. Alors, dans ces conditions, pourquoi baisser l’aide du Conseil Général aux offices HLM ? Dans ces conditions, pourquoi ne pas abonder, lors de ce BS, l’enveloppe désormais tarie du programme d’aide au logement très social ?

Pour rappel, en mars dernier lors du vote du Compte Administratif 2012, la capacité de désendettement du Conseil Général était de 4 ans, très loin des seuils de vigilance ou de danger…

En conclusion, ce Budget Supplémentaire est encore le théâtre de variations subites et impressionnantes. Nous découvrons des sous-estimations et des surestimations de recettes et de dépenses, presque à chaque ligne…un joli bal de dizaines de millions d’euros qui, à l’arrivée, fait perdre le fil des réalités.

La Gironde, malgré des richesses et des atouts incontestables a fini par être touchée par l’effet ciseaux qui plombe les départements français.

Cela se manifeste principalement par une forte baisse de 20 M€ des droits de mutation et par une explosion de 9 M€ des dépenses de RSA sous l’effet du chômage.

Voilà la réalité mais le Budget Primitif de décembre dernier était tellement fantaisiste qu’il laisse la possibilité de totalement modifier virtuellement l’équilibre du Budget Supplémentaire en attendant sans doute d’autres rebondissements hitchcockiens à la DM2 en octobre !

Résultat : malgré plus de 30 M€ de trou dans le budget par rapport à ce qui nous a été présenté en décembre, nous finissons avec une somme inutilisée de 15 M€, Pierre Barrau aurait dit 10 Milliards ! 15 M€ qui vont servir à diminuer la dette, alors que la dette est raisonnable ! 15 M€ qui aurait pu être investis dans le logement social, afin de soutenir les objectifs du gouvernement…

Comment, dans de telles conditions, voter avec sérieux les budgets du Conseil Général et les taux d’imposition ?

Le rôle de la collectivité, quand l’économie va mal, est d’investir selon ses moyens, dans l’économie réelle !

La France va mal, mais contre toute attente, il reste au Département de la Gironde des capacités d’investissement !

Monsieur le Président, chers collègues, n’utilisons pas ces 15M€, dont 5M€ sont issus de l’augmentation de la fiscalité, pour diminuer notre dette ! Injectons ces 15 M€ dans l’économie girondine !

Je vous remercie.