Lettre aux Maires de la Gironde sur le décret portant révision de la carte cantonale

Madame, Monsieur le Maire, Chers Collègues,

Le Journal Officiel de la République Française a publié dimanche 23 février, le décret portant révision de la carte cantonale en Gironde consécutive à la modification du mode de scrutin des élus départementaux prévue par la loi n°2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral.

Comme nous pouvions le craindre au vu du projet de décret qui nous a été soumis le 4 octobre dernier en séance plénière du Conseil Général de la Gironde, la nouvelle carte cantonale, bâtie à la hâte, à Paris, par les collaborateurs du Ministère de l’Intérieur, sans aucune concertation avec les élus de terrain, en particulier les maires et les présidents d’intercommunalités, ne répond à aucune logique, autre que démographique et politique.

Ainsi en Gironde, ni les intercommunalités et les anciens cantons, ni les bassins de vie n’ont été réellement pris en compte pour ces redécoupages, contrairement aux déclarations officielles du Ministre de l’Intérieur (« ce redécoupage doit se faire de façon équilibrée en tenant compte des territoires » (Sénat – 16 janvier 2013), « il faudra travailler sur la réalité des territoires » (Sénat – 19 février 2013), « il faudra intégrer la réalité des EPCI, qui reposent souvent sur la réalité des bassins de vie » (Sénat- 22 février 2013)). Derrière l’excuse de moderniser les cartes et de féminiser de manière autoritaire le personnel politique, ce nouveau découpage girondin apparait dès lors aux yeux de tous, comme un tripatouillage grossier destiné à sous-représenter les territoires ruraux et soucieux d’éviter un revers électoral au printemps 2015 à la majorité socialiste.

Le travail accompli par le Ministre de l’Intérieur et ses collaborateurs est d’ailleurs tellement contestable que moins de 40% des départements ont approuvé la carte proposée, alors que l’arithmétique politique aurait dû garantir à la proposition gouvernementale un soutien confortable à hauteur de 60% des conseils généraux. C’est un désaveu cinglant. Après avoir dénoncé cela lors de la séance plénière du Conseil Général de la Gironde consacrée au projet de révision de la carte cantonale, après avoir déposé un mémoire à la Section de l’Intérieur du Conseil d’Etat dans le cadre de la phase pré-contentieuse, nous déposerons un recours contentieux.

En effet, la publication du décret au Journal Officiel fait débuter un délai de deux mois pendant lequel les recours contentieux peuvent être déposés. Le découpage proposé ne nous parait pas recueillir, en Gironde, l’assentiment de tous. Les délibérations prises en Conseil Municipal ou Conseil Communautaire par un certain nombre d’entre vous l’attestent. Plusieurs d’entre vous ayant manifesté l’intention de former des recours afin de poursuivre notre action pour la défense de l’intérêt des territoires et des populations, nous avons jugé utile de vous adresser une note récapitulative sur les modalités de recours. Les conditions du recours en annulation contre le décret délimitant les cantons du Département de la Gironde : Tout électeur et contribuable a intérêt à agir à titre personnel (élu local, président d’association, particulier) ou toute personne morale (association, groupe) sans restriction, avec ou sans avocat.

Depuis le 1er janvier 2014, ce recours est entièrement gratuit. La requête doit être adressée, par lettre simple (nous conseillons un envoi en recommandé) à la section du contentieux du Conseil d’Etat (sans indiquer de nom) – 1, place du Palais Royal – 75001 PARIS Cedex 1 – dans un délai de deux mois à la date de parution du décret de découpage au Journal Officiel (donc le 23 Avril pour la Gironde).

La requête doit :

  • indiquer les noms et domicile dans le département du requérant ;
  • contenir en annexe une photocopie du décret attaqué
  • être faite en 3 exemplaires (y compris les annexes)
  • contenir l’énoncé des conclusions soumises au juge (la requête demande l’annulation du décret) et l’exposé des faits (rappel de la loi et du décret pris pour son application) et des moyens (les raisons pour lesquelles l’annulation est demandée).

Les motivations du recours :
Un recours doit s’appuyer sur deux types de moyens de légalité :

Externe :

  • Absence de consultation suffisante des élus (parlementaires, anciens ministres, conseils municipaux), en fournissant une attestation de non-consultation.

Internes :

  • Démontrer le caractère arbitraire du découpage, c’est-à-dire l’absence de cohérence des critères qui ont présidé à son élaboration (non respect des limites des anciens cantons, des circonscriptions législatives, des arrondissements, des communautés de communes). Il aurait pourtant été logique d’accorder de l’importance à l’intercommunalité en Gironde d’autant plus que notre département dispose d’un Schéma Départemental de Cohérence Intercommunale et que ce dernier constitue aujourd’hui le cadre privilégié des relations entre les communes.
  • Constater les périmètres de forme « étrange » des limites cantonales généralement révélatrices du caractère arbitraire du découpage.
  • Etablir les écarts entre les chiffres de population au moment du décret et le chiffre réel connu par le recensement au 1er janvier 2014 (pouvant faire apparaître une sortie éventuelle du tunnel des 20% en raison de l’évolution démographique)
  • Montrer le caractère contestable de la disparition de l’ancien chef-lieu de canton et du choix du nouveau « bureau centralisateur » sur des critères principalement démographiques.
  • Démontrer l’amélioration ou la dégradation électorale des cantons de tel ou tel élu (en comparaison avec les scrutins précédents).
  • Faire apparaître les ruptures géographiques ou historiques (au regard du périmètre du canton inchangé depuis la Révolution).
  • Montrer l’absence de coïncidence entre la nouvelle carte et les bureaux de vote actuels.
  • Constater l’échange arbitraire de communes entre cantons sans respect des réalités locales (notamment l’intercommunalité).
  • Dénoncer le partage de cantons actuels entre plusieurs cantons alors qu’ils auraient pu logiquement être regroupés entre eux.

Nous tenons à votre disposition un modèle de recours. Si vous souhaitez en disposer, merci de prendre contact avec les collaborateurs du groupe Gironde Avenir au 05.56.99.35.40/ 57.87 ou par mail à l’adresse suivante : girondeavenircg33@yahoo.fr. Merci également de nous transmettre, pour notre information, une copie de votre requête.

Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire et je vous prie de croire, Madame, Monsieur le Maire, Chers Collègues, à l’assurance de mes salutations les meilleures.

Yves d’Amécourt