Tout le monde voit le tableau : d’un côté la métropole, opulente, surpuissante, autosuffisante, de l’autre, la petite commune en crise, emblématique de « l’écharpe de pauvreté ». Sortons des clichés et des représentations erronées ! Apprenons à appréhender les réalités autrement que dans la rancœur et la défiance. Sachons regarder les lignes qui bougent.

Tribune libre de :

• Nathalie Delattre, sénatrice de la Gironde et conseillère municipale de Bordeaux
• Jacques Breillat, maire de Castillon-la-Bataille et conseiller départemental de Gironde
• Mylène Villanove, conseillère métropolitaine en charge des coopérations territoriales et conseillère municipale de Bordeaux.

Travaillons à coopérer par le récit concret de nos interdépendances. L’interterritorialité ne se décrète pas ! Elle se construit dans la confiance sur la base de notre histoire et de nos identités communes. Prenons Castillon-la-Bataille ! Cette commune ne manque pas de problèmes (25% de ménages bénéficiaires du RSA, 27 % de chômeurs, 26 % de locaux commerciaux vacants, 20% de logements inhabités). Mais elle ne manque pas non plus d’énergie, d’idées, de volontés, de soutiens et de moyens pour écrire une nouvelle page.

La collectivité vient de se doter d’un « Projet urbain d’ensemble spatialisé et priorisé ». Il vise « une ville vivante et habitée, accueillante, active ». Ce projet a reçu, en décembre, le trophée 2019 de la participation et de la concertation auprès des habitants.

Il est soutenu par l’intercommunalité, le Département, la Région, la Banque des territoires et l’Etat, pour un montant total de 28 millions d’euros à 10 ans. Il est lancé.

Bordeaux Métropole maintenant. Il faudrait avoir la mémoire courte pour ne pas se rappeler son inquiétude il y a quelques années sur son manque d’attractivité et de dynamisme. Comment peut-on regretter la « Belle endormie » ? Aujourd’hui, la Métropole est réveillée, active et attirante.

Il reste à faire la démonstration que ce qui est bon pour la Métropole est bon pour les territoires. Toute la démarche de « Bordeaux Métropole Coopérative » vise à établir les stratégies de complémentarités entre Bordeaux et les territoires ruraux : travailler ensemble en mode projet, jouer la carte de l’Alliance, avec une vraie volonté de concourir à l’équilibre et à la cohésion de nos territoires.

Nos sujets communs ne manquent pas. Ce dont Castillon-la-Bataille a souffert ces dernières années, c’est d’isolement, de décrochage par rapport aux aires urbaines de Bordeaux et de Bergerac, et de perte d’identité au sein d’une vallée qui fait pourtant rêver la France entière. Un jour viendra, nous en sommes persuadés, où les ménages de Bordeaux Métropole remettront Castillon-la-Bataille dans la carte de leurs choix résidentiels, et c’est déjà un peu le cas. Quand on interroge les Français, près d’un sur deux (45 %) rêvent de vivre à la campagne, 41 % privilégient les villes moyennes*.

Aujourd’hui, Castillon-la-Bataille est à 35 minutes de Bordeaux de gare à gare. Viendra aussi le temps pour ces jeunes de la « petite ville » de tirer profit de tous les bénéfices de la fréquentation de la « grande ». Viendra le temps pour les collectivités territoriales de valoriser la complémentarité de leurs potentiels.

Transition écologique, jeunesse, mobilité, logement, tourisme, culture, santé, bien-être, services, alimentation : nous avons tout à penser en commun, car la société elle-même veut pouvoir vivre la diversité des territoires, et celle de notre région est enviable. Ce n’est pas une question d’argent, d’aumône des uns aux autres, c’est avant tout une question de pragmatisme à l’heure des grands défis sociétaux (climatiques, démographiques, numériques) pour définir des futurs possibles, des horizons partagés avec tous les acteurs concernés. Ce que Castillon-la-Bataille peut apporter à Bordeaux Métropole et réciproquement, dans la coopération. Notre capacité à créer du commun, notre intelligence collective et notre concertation citoyenne à penser ensemble l’avenir de notre territoire. Ce développement qui sera économique, social et environnemental ne peut oublier cette quatrième dimension qu’est l’aménagement.

Comment ne pas profiter de la dynamique de projets portée par des pôles de centralité enfin reconnus officiellement par l’Etat dans le cadre de sa politique d’aménagement du territoire.

Ce sont les communes qui ont contractualisé cette année sur les dispositifs « action cœur de ville », ou « opération de revitalisation de territoire (ORT) » et qui demain, bénéficieront des outils juridiques de « l’agenda rural » comme Castillon-la-Bataille qui ont la réelle ambition de coopérer avec leur Métropole.

Confrontons nos écosystèmes de réussite locaux, partageons nos expériences, validons nos besoins, pour vite et bien faciliter l’accès aux parcours résidentiels et professionnels si fluctuants que vivent nos concitoyens, usagers au quotidien du territoire. Travaillons à un territoire où les contraintes de vies se transforment en opportunités et désirs. Ensemble, nous pouvons bâtir ce territoire pour toutes et tous.

(*) Enquête du centre de recherche de Sciences Po (le CEVIPOF avec l’AMF) – 2019