Le conseil général était bien malade et à son chevet, les hordes de conseillers généraux compatissants, se rependaient en conjectures… Le diagnostic livré à la presse, envoyé par courrier aux associations, aux communes, aux élus locaux, aux Maires. Le diagnostic, disais-je, était partagé par tous les membres de la majorité départementale : il s’agissait d’une « Etativite » autrement dit, d’une défaillance de l’Etat.

La période de convalescence fut de quelques mois, le temps d’une élection régionale… Ah, l’air de la « campagne », cela vous requinque une institution ! A moins que le malade n’ait été « imaginaire »…

Nous voilà en décembre, à quelques jours de Noël et les nouvelles sont plutôt bonnes, rassurantes. Le vote du Budget Primitif a été organisé en décembre, comme d’habitude. Les inquiétudes sont donc derrière nous. Mais faisons attention, il est fort probable qu’en 2012, elles réapparaîtront. L’Etativite est une maladie cyclique. Les crises sont plus ou moins aigües selon qu’on se situe, dans la majorité ou dans l’opposition.

Chers collègues, vous l’aurez compris, le vrai changement par rapport à mars dernier, date du vote du Budget Primitif 2010, c’est un calendrier électoral bien différent.

Il n’y a pas eu de changement majeur dans l’économie mondiale qui reste fragile. Au contraire, les conséquences sociales ont tendance à se faire de plus en plus sentir en matière de dépenses sociales contraintes.

Or ce Budget Primitif 2011 confirme officiellement la fin du moratoire sur les Autorisations de Programmes, ce qui était déjà le cas de facto depuis la DM2 d’octobre dernier.

Les échéances cantonales de mars prochain rendent également plus réaliste et moins pessimiste la capacité d’évaluation des droits de mutations dont la progression se confirme et s’oriente vers une stabilisation. Le projet Euratlantique, notamment, dont la Présidence est passée d’Alain Juppé à Vincent Feltesse, devrait accroître dans les années qui viennent cette recette fiscale. C’est en substance ce qu’expliquait Alain Rousset lors de notre dernière commission permanente à propos de la LGV Paris-Tours-Bordeaux. Je cite : « La Région investit mais les retombées fiscales seront pour les Départements ».

Gageons que Madame Irma, souvent citée par Yves Lecaudey – pas toujours à bon escient – aura livré ses oracles à temps. En tout cas, pour le budget 2011, c’est grâce à une voyance – disons une clairvoyance – enfin trouvée en matière de droits de mutation que l’on pourra s’appuyer sur un bon excédent brut pour maintenir notre capacité d’investissement.

Enfin, il semble se confirmer que l’endettement sera à un niveau très acceptable. Ainsi, vous attendez au 1er Janvier une dette de 477 M€ contre 378 M€, un an plus tôt.

Cela constitue une hausse de l’endettement de 99 M€. Cependant, ce qui est important, c’est d’examiner notre capacité de désendettement qui se monte à 5,9 années, contre 4,3 ans en 2010. Nous sommes dans ce domaine encore loin des seuils d’alerte et il est inutile de vous préciser que cela ne nous étonne pas.

Si l’on rentre un peu plus dans le détail de ce Budget et plus précisément dans la section de fonctionnement, on constate des dépenses sociales contraintes qui poursuivent leur hausse sans que le Conseil Général puisse véritablement intervenir.

Nous venons d’en parler, ces dépenses issues de l’APA, du RSA et de la PCH principalement, entament les marges de manœuvre de notre collectivité et cela n’est pas viable à long terme.

Je tiens aussi à vous remercier, d’avoir pris en compte, à coté du cumul des écarts des charges transférées, le cumul des augmentations des droits de mutation engrangés par notre collectivité. Ce rapprochement entre l’évolution des recettes non « maîtrisables » et des dépenses « non maîtrisables » n’est pas la panacée, mais il permet de comprendre. Il aura fallu attendre votre dernier budget, Monsieur le Ministre des Finances, pour que vous nous donniez sinon raison… du moins que vous nous donniez acte de notre démonstration.

Notons que dans ce budget, les dépenses de personnel augmentent elles aussi mais de façon plus maîtrisées avec 217 M€ au Budget Primitif 2011 contre 205 M€ au Compte Administratif 2009, soit + 5,5 M€.

Les dépenses de fonctionnement à caractère général, celles pouvant faire l’objet d’une réelle politique d’économie des coûts, sont de 95,8 M€. Soit une hausse de seulement 1% par rapport au Compte Administratif 2009 (94,9 M€).

C’est la première fois qu’un Budget Primitif est aussi proche de la réalité du dernier Compte Administratif (pour mémoire au BP 2010, ces dépenses étaient en hausse de 6,4 % par rapport à ce même Compte Administratif 2009). On semble donc quitter le « monde de Narnia » auquel nous faisions référence lors du vote de la DM2 du 23 octobre 2009 et se rapprocher de la réalité.

La stabilisation des dépenses à caractère général, comparées au Compte Administratif et non au budget précédent, est un effort intéressant qu’il faudra poursuivre et confirmer dans les mois à venir afin d’obtenir enfin un recul global de ces postes de dépenses.

Notons que de nombreux comptes symboliques de frais généraux sont aussi annoncés en baisse en 2011 : les honoraires, les fêtes et cérémonies, les foires et expositions, les réceptions, les catalogues et imprimés…

C’est un effort tardif mais qui mérite d’être salué s’il se vérifie, d’autant que, je le répète, cette baisse s’observe par rapport au Compte Administratif de 2009.

Il y a en revanche un poste qui attire notre étonnement, c’est celui des frais financiers. Nous en avons parlé. Ainsi depuis l’exercice 2006, nous avons constaté une forte déconnexion entre ce qui est provisionné au BP et le réalisé au Compte Administratif. En 2009, date du dernier Compte Administratif, les frais financiers étaient de 22 M€ au BP alors que finalement le CA ne validait que 9 M€ pour ce poste. Du simple au double !

Cette année le BP 2011 prend en compte encore 22,3 M€ de frais financiers. S’agit-il d’une nouvelle « poire pour la soif » comme nous l’avait répondu Yves Lecaudey, au sujet de l’oubli de 5,6 Md’€ de recettes… au budget 2010. Chers collègues, cette « poire pour la soif » de quasiment 10 Md’€ est équivalente à 4,5 point de fiscalité…

Nous avons parlé des dépenses, parlons des recettes.

Concernant les recettes de fonctionnement, celles issues des dotations de l’Etat sont, en effet, limitées à une évolution en fonction de l’inflation et cela pour partager l’effort de redressement des finances publiques.

Vous citez DEXIA, Monsieur le Président, pour soutenir vos choix politiques… Outre le fait que je ne sois pas sûr que DEXIA soit une source très fiable en cette période de crise, je préfère citer notre Président de la République.

(Philippe Madrelle m’interrompt et raille le Président de la République. Brouhaha dans l’hémicycle.)

Je vous livre en substance ce qu’a dit le Président de la République devant l’Assemblée des Maires de France, réunis en congrès le 23 novembre dernier : « L’État a garanti 98 milliards d’€ l’année dernière aux collectivités locales, alors même que les recettes de l’Etat, avec la crise, se sont effondrées de 20%». L’Etat aurait pu diminuer ces dotations de 20%, il ne l’a pas fait. Il est lui même soumis à un « effet de ciseau ». Ne croyez pas qu’il y ait d’un coté, les collectivités locales avec leurs problèmes fianciers, et de l’autre, l’Etat, avec les finances nécessaires à combler tous les budgets !

Quant aux déficits, Monsieur le Président, je vous rappelle que si les collectivités locales ne sont pas en déficit, c’est qu’elles peuvent afficher dans leur budget, les emprunts bancaires. Ce n’est pas le cas de l’Etat. Les emprunts bancaires ne figurent pas dans le budget de l’Etat.

Enfin, vous l’avez dit, dans les dépenses de la Nation, les collectivités pèsent pour 20% de l’ensemble. L’État pèse pour 35%. La sécurité sociale pour 45%. Pour réduire le déficit de l’Etat, tout le monde doit se mettre à l’œuvre.

C’est ce que disait en substance Michel Klopfer dans cet hémicycle lorsqu’il nous disait que désormais, les collectivités territoriales, plutôt que d’augmenter les impôts, devront pour augmenter leur marge de manœuvre, réduire les coûts de fonctionnement. Il présentait même cette mutation comme une « petite révolution » !

Quid de nos recettes d’imposition ?

Les recettes d’imposition directe sont calculées avec le nouveau dispositif post-Taxe Professionnelle ce qui rend un peu compliquée une réelle comparaison. Cependant, nous l’avons bien compris, il existe des mécanismes de garantie de ces recettes d’impositions directes en 2011 et elles devraient donc être relativement semblables à celles de 2010.

Il faut noter que le taux restant de la compétence du Conseil Général sur la Taxe sur le Foncier Bâti entraîne un point de fiscalité à 2,2 M€ (contre 2,6 M€ en 2010). Vous projetez une augmentation de ce taux de 2% soit 4,4 M€. Puisque vous reconnaissez vous-même la faiblesse de telles recettes, pourquoi ne pas épargner aux Girondins une nouvelle hausse d’impôts et appliquer une pause fiscale. C’est notre proposition.

Notons que cette recette fiscale est promise à un bel avenir en Gironde : l’arrivée de 15000 Girondins de plus par an, le projet de 100 000 habitants de plus à Bordeaux, 330 000 habitants de plus dans l’agglomération bordelaise, le projet Euratlantique, sont autant de projets qui vont avoir un impact sur l’assiette de la taxe sur le Foncier Bâti d’une part, et la CVAE, d’autre part.

Enfin, les recettes d’imposition indirecte et plus particulièrement les droits de mutation sont évalués à 183 M€ (170 + 13) au BP 2011 contre 130 M€ au BP 2010, quelle belle évolution en seulement 9 mois ! Madame Irma devait être souffrante en mars…

C’est donc plus de 40 M€ supplémentaires disponibles par rapport au BP 2010. On est là face à des chiffres d’une ampleur bien différente de ceux de vos 2 points de fiscalité !

L’excédent brut de près de 80 M€ qui se dégage de cette section de fonctionnement permet donc en section d’investissement de maintenir des dépenses sensiblement identiques à celles de 2010 sur leurs bases de la fin d’année bien plus généreuses et cela malgré des recettes légèrement en baisse en 2011 sous l’effet d’un FCTVA moindre.

C’est ainsi que des Autorisations de Programme ont à nouveau été inscrites mettant fin au moratoire dès le BS2010 et surtout lors de la DM2 2010, une fois l’échéance régionale passée…

La capacité d’investissement de 270 M€ en 2011 (contre 274 M€ en 2010) se finance donc par l’épargne nette et par un programme l’emprunt raisonnable de 166 M€.

Cette capacité d’investissement est répartie :

  • à 37% au titre des opérations soutenues par le Conseil Général (l’aménagement de l’espace, du cadre de vie et du développement local dont le FDAEC, la solidarité, les infrastructures dont la LGV, le développement économique, l’éducation et le transport).
  • à 63 % pour le patrimoine de la collectivité (l’éducation dont les collèges, la voirie départementale, l’aménagement de l’espace, les bâtiments du Conseil Général, les ports départementaux, le patrimoine solidarité, les transports interurbains et la sécurité).

Nous saluons à ce sujet le travail effectué par Monsieur Couffinhal sur le coût des infrastructures pendant son passage chez nous. Monsieur Couffinhal a mis en application quelques principes simples qui ont permis, dans l’environnement général de crise dans le BTP, de diviser par deux le coût de nos travaux. Ceci a permis, à ce budget, de multiplier par deux la réalisation des travaux.

Les méthodes d’achat mises en place par Monsieur Couffinhal sur les infrastructures peuvent être mises en œuvre avec succès dans l’ensemble de nos achats avec des résultats probants. C’est notre souhait. L’introduction de méthodes d’achat dans notre collectivité est un enjeu essentiel, une demande récurrente de notre groupe. Je vous rappelle que nous formons à Talence des acheteurs de talent qui vont exercer un peu partout dans le monde. Alors, pourquoi pas chez nous ?

Puisque nous sommes dans les satisfecit, permettez-nous de saluer l’effort fait par notre collectivité sur la mise ne place d’une Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Carrières. Nous demandons cela depuis au moins 3 années… Je me souviens même que la première fois que nous avons évoqué ce sujet, Jacques Respaud s’était élevé en nous disant : « cela fait bien longtemps que la GPEC est en place dans notre collectivité » (vote du BP 2009 en décembre 2008). Nous avons la preuve aujourd’hui, s’il le fallait, qu’il n’en était rien !

Puisque nous sommes dans les remerciements, notre groupe adresse aux collègues qui ont pris la décision de ne pas se représenter en 2011 nos plus vifs remerciements et nos félicitations.

  • Martine Faure Députée, Conseillère Générale depuis 1998. J’ai pour Martine Faure une affection particulière puisqu’elle est ma Députée.
  • Gérard César, Sénateur, Maire de Rauzan, Conseiller Général depuis 1973, qui est le plus grand défenseur que nous ayons en Gironde de l’agriculture en général, de la viticulture girondine et de la coopération en particulier.
  • Hervé de Gabory, Maire de Cadillac, Conseiller Général depuis 2004. Je partage avec Hervé une communion de pensée due sans doute aux rallonges que nous avons tous les deux à notre nom et que certains aimeraient à cette simple vue raccourcir.
  • Henri Laurent, Conseiller Général depuis 2004. L’homme au grand cœur que décrivait notre Président hier matin.
  • Gilbert Mitterand, Maire de Libourne, Conseiller Général depuis 2004, que j’ai eu l’honneur de cotoyer, un homme courtois dont nous admirons la famille.
  • Yves Lecaudey, Maire de Sainte-Hélène et Conseiller Général depuis 1979. Il a démarré sa carrière politique au centre politiquement, pour finir par occuper une place centrale dans cet hémicycle. Vice-Président chargé des finances, il est mon meilleur ennemi. Quels qu’aient été ses dérapages verbaux, je voudrais lui dire ici que je ne lui en veux pas – je précise qu’il ne s’agit pas d’une litote. Je lui dédis cette petite phrase de Pythagore que j’espère il citera dans d’autres conclaves : « C’est autour des centres que se dessinent les cercles, les cercles dont le périmètre varie en fonction du rayon ».

Mais revenons à nos moutons et à notre budget.

En conclusion, ce Budget Primitif est marqué par plus de réalisme dans la présentation des chiffres, en particulier ceux des droits de mutation. Cela vous permet d’assumer dès le début d’année un niveau d’investissement satisfaisant mais nous ne sommes pas dupes.

Bien que vous validiez implicitement beaucoup de nos arguments des mois passés, nous n’ignorerons pas que cela est une fois de plus au service d’un agenda. En 2012, avant les législatives, prenons date, « l’Etativite », cette maladie maligne reprendra de plus belle ! Et le malade imaginaire avec elle.

Vous continuez donc à instrumentaliser les finances de notre institution en fonction d’objectifs partisans au détriment de l’intérêt collectif des Girondins.

Si cette année, il vous est impossible de caricaturer la relative bonne santé financière de notre collectivité, vous manquez de cohérence en augmentant, malgré tout, l’imposition des Girondins et en préparant des « poires pour la soif » que nous découvrirons un peu plus tard.

C’est pour l’ensemble de ces raisons que notre groupe Gironde Avenir votera contre votre Budget Primitif 2011.

Puisque, Monsieur le Président, vous avez cité Victor Hugo dans votre discours introductif, permettez-moi de le citer pour conclure mon propos…

Victor Hugo disait à la tribune de l’assemblée, le 10 novembre 1848 :

« …quel est le grand péril de la situation actuelle ? L’ignorance. L’ignorance encore plus que la misère. L’ignorance qui nous déborde, qui nous assiège, qui nous investit de toutes parts. C’est à la faveur de l’ignorance que certaines doctrines fatales passent de l’esprit impitoyable des théoriciens dans le cerveau des multitudes. »

Il disait aussi :

« Personne plus que moi, Messieurs, n’est pénétré de la nécessité, de l’urgente nécessité d’alléger le budget. J’ai déjà voté et continuerai de voter la plupart des réductions proposées, à l’exception de celles qui me paraîtraient tarir les sources mêmes de la vie publique et de celles qui, à côté d’une amélioration financière douteuse, me présenteraient une faute politique certaine. »

Tout est dit.

Il nous reste, chers collègues, à définir ensemble ce que Victor Hugo nommait « les sources même de la vie publique ».

Je vous remercie.

Retrouvez cet article sur le site d’Yves d’Amécourt